En cas de décès, le conjoint se retrouve au rang des héritiers, mais à un degré qui dépendra de nombreux facteurs ! Régime matrimonial, donation au dernier vivant, clauses spécifiques insérées dans le contrat de mariage, … Quels sont les droits pour le conjoint survivant en cas de succession ? Zoom sur le cadre légal, la marge de manœuvre laissée aux époux en tant que couple, et aux époux en tant que testateur.
Droits du conjoint survivant en cas de succession : les grands principes
Qu’entend-on par conjoint survivant ?
Avant toute chose il convient de préciser que la notion de conjoint survivant ne concerne que la personne avec laquelle le défunt était marié. Le PACS ne donne pas ce statut.
Les grands principes
Au décès de l’un des conjoints, la succession est régulée par le régime matrimonial par défaut ou choisi lors de la signature du contrat de mariage.
Les conséquences du régime matrimonial sur les droits du conjoint survivant en cas de succession peuvent être aménagées par le contrat de mariage ou la rédaction d’un testament.
En l’absence de toute action des époux : les règles successorales légales
Deux époux mariés, quel que soit leur régime, ont automatiquement des droits sur la succession de l’autre.
En présence d’enfants issus d’une précédente union | Le conjoint survivant disposera d’1/4 de la succession en pleine propriété. Les enfants hériteront des 3/4 de la succession. |
En présence d’enfants issus exclusivement du couple |
Le conjoint survivant a le choix:
Les droits des descendants sont réduits d’autant. |
En présence d’ascendant et en l’absence de descendance | Si les parents du défunt sont encore en vie, le conjoint survivant recueillera la moitié des biens en pleine propriété, l’autre moitié étant partagée à parts égales entre le père et la mère. Si un seul des parents du défunt est encore en vie, le conjoint survivant recevra les trois quarts du patrimoine, le quart restant étant attribué au père ou à la mère encore en vie. |
En l’absence d’ascendant et de descendant | Le conjoint survivant récupèrera la totalité de l’héritage, sous réserve des droits de retour exercés par les parents ou frères et sœurs sur les biens reçus en donation. |
Focus sur la protection particulière attachée à la résidence principale
Dans l’hypothèse où le conjoint survivant occupe, à titre de résidence principale, un logement appartenant aux époux, ce logement et son mobilier lui est attribué gratuitement et ce, pendant une période d’un an. S’agissant d’un avantage matrimonial, cette occupation gratuite n’est pas soumise aux droits de succession.
S’il s’agit d’un logement loué, les loyers lui seront remboursés, en étant eux-aussi prélevés sur la succession. Ce droit d’occupation temporaire s’applique également lorsque le logement familial est possédé en indivision. Dans ce cas, les autres propriétaires indivis ont droit à une indemnité d’occupation, prélevée sur la succession.
Une fois ce délai d’un an écoulé, le conjoint survivant conserve un droit d’usage et d’habitation sur le logement familial et son mobilier. En d’autres termes, il peut continuer à l’occuper jusqu’à son décès. Si le logement n’est plus adapté à ses besoins, il pourra alors le donner en location, afin de dégager des ressources nécessaires à de nouvelles conditions d’hébergement. A titre d’illustration, les frais d’une maison de retraite peuvent ainsi être couverts.
Le conjoint doit opter ou renoncer à ce droit d’usage dans le délai d’un an après le décès. Ce droit d’usage, comme l’usufruit, peut être converti en rente ou capital sous réserve du consentement des autres héritiers.
A savoir : le défunt peut, par testament notarié, avoir privé son conjoint de ce droit d’usage et d’habitation.
Succession et régime matrimonial
Avant le mariage, chaque époux possède un patrimoine, indépendamment de celui de l’autre. Pendant le mariage, les patrimoines vont progressivement fluctuer en ce qu’ils pourront diminuer ou augmenter au gré des circonstances de la vie.
Le positionnement successoral du conjoint survivant dépendra par ailleurs :
- du régime matrimonial choisi par les époux,
- d’événements dus à la situation professionnelle, personnelle et familiale du défunt.
- de la présence d’enfants,
- …
Le régime matrimonial permet de déterminer la part des biens propres et des biens communs avant de déterminer le patrimoine qui sera partagé par les héritiers.
En France, la plupart des personnes se marient sans contrat. Dès lors, c’est le régime de la communauté légale qui s’applique, le régime dit de la communauté de bien réduite aux acquêts. Ainsi, la communauté concerne les biens achetés pendant le mariage. Les biens acquis avant le mariage ou par succession après le mariage (donation ou legs) restent propres. Le régime de la communauté universelle met tous les biens acquis avant, ou après le mariage dans un panier commun.
Par opposition au régime communautaire, il y a celui de la séparation de biens qui élimine la notion de biens communs. Les biens et les dettes sont propres à chaque époux qui conserve ainsi son propre patrimoine et sa libre disposition. L’époux survivant ne peut se prévaloir du régime matrimonial pour revendiquer des droits supplémentaires sur les biens du défunt.
Aménagement du régime matrimonial par l’insertion de clauses spécifiques dans le contrat de mariage
L’étendue des droits du conjoint survivant quant à l’héritage du défunt peut être aménagée par des dispositions contractuelles prises du vivant des époux.
Il est notamment possible de lui ouvrir une part successorale supérieure à celle que lui attribue la loi, en utilisant différents mécanismes juridiques à disposition :
La clause de préciput
Dans un régime communautaire, il est possible d’intégrer au contrat de mariage une clause qui porte uniquement sur les biens communs et permet d’en attribuer au conjoint survivant avant le partage de la succession. En règle générale, la clause de préciput réserve la résidence principale ou secondaire à l’un des époux survivant.
La clause d’attribution inégale
Il est également possible de prévoir une clause d’attribution inégale de la communauté, afin de partager les biens communs non pas en deux, mais selon la volonté des époux. Cela permettra notamment de favoriser l’époux par rapport à la part qui tombera dans les règles classiques de l’héritage.
La clause d’attribution intégrale
Dans le régime de la communauté universelle, cette clause permet au conjoint survivant de recevoir la totalité du patrimoine du défunt. Concrètement, la clause d’attribution intégrale repousse la transmission de l’héritage aux enfants jusqu’au décès du deuxième époux.
En régime de séparation de biens, il est conseillé, pour aboutir à une situation approchant, de créer une société d’acquêts intégrée au contrat de mariage. Les biens achetés à deux pourront ainsi être placés dans cette société et appartiendront pour moitié à chacun.
La clause de faculté d’attribution
Toujours dans un régime de séparation de biens, les époux peuvent choisir une clause de faculté d’attribution. Cette clause autorise le survivant à racheter un ou plusieurs biens propres dans la succession. Il devra alors verser une somme d’argent équivalente à la valeur du bien aux héritiers légaux.
Aménagement des droits sur la succession par la donation entre époux
En dehors de la possibilité d’aménager contractuellement le régime matrimonial entre époux, il demeure également possible de faire une donation afin que le conjoint survivant bénéficie de biens supplémentaires en complément de l’héritage.
La donation est un contrat unilatéral par lequel une personne, le donateur, se dépouille sans contrepartie et dans une intention libérale, d’un bien, en faveur d’une autre personne, le donataire, qui y consent.
La donation classique
Par la donation, l’époux peut donner de son vivant la totalité de la quotité disponible à son conjoint. Ce type de donation est irrévocable.
La donation au dernier vivant ou donation entre époux
Cette donation s’apparente au testament, car elle prend effet au décès du donateur et reste révocable jusqu’à cette échéance.
La donation entre époux n’est pas une donation de biens présents mais une forme testamentaire spéciale réservée aux gens mariés : elle ne prend effet que si les personnes concernées sont mariées au moment du décès.
Pour consentir une telle donation, il faut obligatoirement passer par un notaire.
La donation au conjoint survivant a pour effet :
- d’écarter les ascendants de la succession. Il est en revanche impossible d’écarter les descendants,
- permet d’accroître les droits légaux de l’époux survivant sur la succession. Celui-ci aura le choix entre un quart de la succession en pleine propriété et les trois quarts en usufruit ou l’intégralité en usufruit, même en présence d’enfants d’un premier lit.
Attention : si les avantages matrimoniaux ne peuvent pas être contestés par les enfants communs, ceux issus d’un premier lit pourront entamer en justice une action en réduction contre leurs beaux-parents pour récupérer leur part légale si leur réserve héréditaire a été touchée.